L'Ecole d'Art de Marseille-Luminy vient de se doter d'une structure annexe à ses activités principales, une sorte de pied à terre en ville sous la forme d'un espace d'exposition situé au 41 de la rue Montgrand. Et c'est avec la première exposition personnelle de Gérard Giachi, jeune artiste sorti récemment de l'Ecole d'Art et dont le travail commence à être connu à un niveau national, que l'ouverture de ce lieu a été dite le 4 mars dernier.
Gérard Giachi intervient dans l'espace au moyen d'installations et de vidéo-sculptures. Mises à part deux œuvres datant de 1986, cette exposition est composée essentiellement de travaux récents dans lesquels ont commencé à apparaître nettement des préoccupations nouvelles : l'intégration d'éléments d'architecture, fabriqués de manière à faire et à ne pas être illusion. Faire et ne pas être, dire tout en n'étant pas ou en montrant son contraire, son inverse, son autre côté du miroir.
Comme si chaque affirmation partait déjà en elle les arguments de sa mise en défaut, Gérard Giachi élabore ses pièces de manière à instaurer une ambiguïté de perception dans le regard du spectateur. Deux aigles empaillés se font face, posés sur un moniteur de télévision diffusant un bout de ciel bleu, lui-même supporté par un socle en bois peint reprenant des formes d'architectures fascisantes, « Ab absurdo ». « L'arc de la mort se noue en un nouvel effet de séduction » est un paon naturalisé fait la roue sous une arche de téléviseurs, écrans vers le bas irradiant un bleu du ciel volontairement forcé jusqu'à atteindre une tonalité synthétique.
Les socles sont recouverts de papier peint imitation marbre, les oiseaux parlent de mythes imaginaires et sont enfermés dans des cages en verre devant lesquelles une caméra joue les voyeurs...
L'image, le faux, l'illusion, le mensonge : Gérard Giachi dénonce l'artifice et son emploi dans l'œuvre d'art, Avec détachement et dérision il évoque à travers des éléments figés, des outils de séduction galvaudés au point de sentir la mort.
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Ses oiseaux sont empaillés, réduits à des dimensions dérisoires, ses faux monuments d'architecture fasciste prennent des allures de tombes, la couleur bleue crée une sensation de flottement qui porte la lourdeur et réduction des socles au rang de simples objets.
L'esthétisme forcé maintient la vision, état de fascination, tandis que I'esprit se pose des questions sur le dosage d'humour et de sérieux pratiqué par l'artiste. Mais l'exposition ne s'arrête pas sur ces impressions de monumentalité mortuaire sabordée par ses propres instruments de construction. Au premier étage de la Galerie de l'Ecole d'Art, Gérard Giachi présente trois autres installations chargées de faire basculer l'ensemble des images précédentes dans un univers où l'humour et la dérision sont cette fois-ci franchement avoués. La rupture d'atmosphère fait apparaître des similitudes étonnantes. Le contenu des œuvres n'a pas changé, seule leur forme joue sur d'autres registres à la fois émotionnels et esthétiques. Ici, un téléviseur se prélasse dans une chaise longue sans même se fatiguer à retransmettre limage d'une peinture faussement filmée mais repeinte directement sur l'écran, un ventilateur traverse les murs et une goutte d'eau imaginaire produit inlassablement son "plic" dans un évier prêt à déborder, Il n'y a pas de, truc, il n'y a pas d'effet, une fois de plus, les œuvres de Gérard Giachi montrent sans montrer. Leur incroyable présence plastique parle du vide, de l'absence. Un vide et une absence devenus virtuels par leur statut d'œuvre d'art traité ab absurdo.
Sylvie Amar
Gérard Giachi
Exposition jusqu'au 1er avril à la galerie de l'Ecole d'Art 41, rue Mongrand 13006 Marseille.
Téléphone : 91.41.01.44. Ouvert du mardi au samedi de 14 heures à 18 h 30.
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