RONAN BRUSQ - GILBERT CATY
FREDERIC COUPET - GERARD GIACHI





Galerie des Arènes
20 décembre 88 - 30 janvier 89
Carré d'art - Nîmes

 

Gérard Giachi - 1

 

GERARD GIACHI
PORTRAIT DE L'ARTISTE EN FAUX-MARBRE

«Si, alors, je regarde mes semblables autour de moi, mes craintes me reprennent. Je vois des faces âpres et animées, d'autres ternes et dangereuses, d'autres fuyantes et menteuses, sans qu'aucune possède la calme autorité d'une âme raisonnable. J'ai l'impression que l'animal va reparaître tout à coup sous ces visages, que bientôt la dégradation des monstres de l'Ile va se manifester de nouveau sur une plus grande échelle.»

H.G. WELLS, «L'Ile du Dr. Moreau»

On a tellement dit, dans de grands délires d'interprétation esthético-psychologique, que l'œuvre était toujours l'autoportrait de l'artiste, qu'on se trouve un peu démuni quand l'œuvre est un autoportrait du spectateur.
Que l'on ne me demande pas de quelle façon il procède, mais le fait est que Gérard Giachi parle de lui, bien sûr, mais représente surtout toi, moi et nous. Il n'est même pas certain que cela soit fait exprès à l'origine, mais une fois démonté, débusqué l'artifice, il y a pris goût. On ne peut même pas affirmer qu'il fait du Vidéo Art : simplement, il nous remet devant la télévision de tous les jours, sans doute un peu renversée, un peu démultipliée, un peu tourneboulée, en évitant soigneusement toute interruption de programme.

 

Gérard Giachi - 2

 

Gérard Giachi - 3

 

Et alors, horreur et scandale, au lieu d'assister à l'agonie d'un gangster, d'un quartier ou d'un pays, c'est à sa propre agonie, prémature et convulsive, qu'on assiste. Agonie mise en boucle, inarrêtable et inéluctable, esthétique comme une danse orientale, majestueuse comme une procession, lente comme la chute des feuilles dans un automne tardif. Nulle envie de se retenir à l'existence; nulle feinte ou ruse ou entourloupe pour échapper à ces maudits, affreux, dérisoires, tentants derniers instants. Nul désir de rester, mais une irrépressible envie de se cogner de la tête et des ailes aux lumiéres dangereuses, une tentation venue des tréfonds de préférer la cage et le piége au grand ciel libre qui n'est parfois qu'une image cathodique. Au delà de la torture inéffable d'être à la fois sur la margelle et dans le puits, libre de sortir de l'exposition et mort sur le rebord sinistre que quelque enclos étroit, il y a comme une morale à tirer de ces moments plastiques. Une morale dont Gérard ne tient aucunement compte pour lui, mais qu'il infiltre, sournois, dans chaque regard. Une morale de l'effroi, une peur quasi rétrospective de ne plus voir, à l'extérieur et à l'intérieur de soi, que des oiseaux morts, des volatiles agoniques et l'image cent fois répétée notre vidéation (punition définitive).

François BAZZOLI

 

 


Gérard Giachi - 4

 


<<-

bibliographie

->>