"Pour la vidéo, Metz dit : « Passer d'une image à deux, c'est passer de l'image au langage ». La vidéo est le seul média capable, par sa possibilité du direct, de nous donner le temps comme perception. Lors du montage ou de la mise en rapport avec d'autres images ou objets - et là, on revient à la sculpture -, le réalisateur ou le plasticien se trouvent aussi confrontés au problème de la narrativité. Mais la vidéo, par ses caractères spécifiques qui intériorisent le monde extérieur, possède son langage propre"
G. G. |
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... Si je fais de la sculpture, c'est parce que c'est pour moi lé moyen le plus rapide, le plus direct et le plus facile pour exprimer mes idées...
G. G.
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Traduttore traditore.
90 x 90 x 195
moniteur, briques et socle
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Etat d'absence du 10.4.87
300 x 290 - moniteur vidéo et dessin
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Gérard Giachi écrit dans son dossier de présentation
« Le mensonge entre les choses et les mots.
Le mensonge entre les mots et les idées. Le mensonge entre les idées et
leur incarnation.
Le mensonge entre l'incarnation et les choses.
Le mensonge entre les choses et leur souvenir ».
Cinq phrases aboutissant chacune sur cinq mots : dire, penser, représenter, nommer, mémoriser.
Cinq clés permettant de décripter, de décoder son langage sur et à travers la sculpture.
L'observation de ses œuvres, la tentation de les saisir, de les comprendre, ouvrent le regard sur toute l'ambiguïté et l'ambivalence inhérentes à chaque langage et sa représentation - immédiate ou différée dans le temps - littéraire ou matérielle.
Explicatif sur deux de ses pièces, Gérard Giachi dit : « Dans Traduttore Traditore, le socle joue le rôle d'un cache et les briques posées dessus ne sont que du poids déguisé en sculpture. Le puits des Impressions des Iles Chatam est une sculpture en creux, une sculpture qui n'existe pas. » Et cela vient confirmer, alimenter cette perspective extérieure que Gérard Giachi nous livre de ses sculptures : un jeu constant, des allers-retours permanents entre l'être et le non-être. Jusqu'où s'enfonce la réalité d'une véritable image ? L'image-représentation ne porte-t-elle déjà pas en elle toutes les trahisons de sa propre vérité ?
De l'idée à son incarcation, un passage : la traduction. C'est sur cette frontière, limite temporelle et signifiante, que les « choses » se parasitent et que Gérard Giachi taquine.
Il taquine parce qu'entre l'être et le non-être, il choisit d'apparaître. Et c'est sans doute pour cela que ses préoccupations formelles sont toujours différentes, qu'il n'apparaît jamais de la même manière, jamais là où il pourrait être prévisible. Dans un oscillement incessant entre l'ambiguïté et l'incertitude, il fabule, nomme et se complaît dans l'illusion : il représente avec et à travers sa propre vision de la sculpture. Toujours sur cette frontière d'un mensonge-vérité apparaissent ces « choses » qui n'existent pas encore de façon matérielle. Car chez Gérard Giachi, la magie fait bien partie du mensonge et de la présupposition, car la magie c'est encore cette incertitude sur laquelle il s'amuse pour déclencher une bascule de son imaginaire à ses affabulations d'illusionniste.
Mais le « tour » n'est jamais pervers. Il n'est que poésie du souvenir à l'affût d'une représentation possible. Une poésie pensée, imagée, érigée comme une volonté-rempart, un système de protection subtile capable de maintenir l'ambiguïté sur le pourquoi/comment, l'utilisation de tel ou tel élément comme objet de sculpture.
En réalité (?! car comment le savoir ?), Gérard Giachi ne cesse de glisser d'une poésie magique à une magie poétique. Un point ultime et fugitif réside dans l'ensemble de ses réalisations.
Quand il est ce qu'il apparaît être, pour tous et pour lui, il traduit à n'en pas douter toutes ses visions de poète au sein de son langage plastique. Illusionniste ? Sans doute. Dans le jeu de la représentation et quand il se retrouve perçu tel qu'il n'est pas mais que son public le voit. Ambiguïté toujours, incertitude encore : je serais tentée d'affirmer que Gérard Giachi ment quand il joue au magicien et qu'il dit des vérités quand il est poète.
Les limites de l'un à l'autre sont irréductibles et il serait faux de penser qu'il existe une relation quelconque entre la source de sa mémoire et la manifestation de sa magie. Même dans ses plus belles tirades d'illusionniste, Gérard Giachi n'est jamais absent.
Sylvie Amar |