GÉRARD GIACHI revient des antipodes, comme tous les grands voyageurs il a beaucoup de choses à raconter. L'affaire démarre à Marseille lorsqu'un jeune étudiant de l'école des Beaux Arts de Luminy présente en 86 au musée Cantini une pièce intitulée Impression des îles Chatham que tout le monde appelle le puits parce que c'en est un.
L'œuvre est très poétique avec des vidéos où s'agite un oiseau.
Si l'on descend par le puits dans les caves du musée et qu'on continue à creuser on arrive directement en Nouvelle-Zélande à Wellington dans le musée Te Papa.
"Je ne connaissais rien de la Nouvelle-Zélande. Il y a sept ans quand j'ai commencé à me documenter sur la Nouvelle-Zélande et les maoris je n'ai rien trouvé à la bibliothèque ni sur le web. En fait j'ai décidé très tôt de partir complètement vierge à la découverte d'un pays et d'une culture.
Et puis j'ai rencontré une néo-zélandaise en 90 qui m'a raconté une légende. J'étais très troublé. C'est une légende ou une croyance ancienne des maoris et c 'est une partie très importante de leur mythologie...
En gros c'est un demi-dieu qui s'appelle Maui. Il vit avec ses frères et sa mère et ils ne connaissent pas leur père. Leur mère disparaît souvent et ils ne savent pas où elle va. Un jour Maui la suit et il la voit soulever une plante qui s'appelle mata et sauter dans un trou. Lui qui a différents pouvoirs comme celui de se changer en oiseau alors ça c'est rigolo parce que la première fois que j'ai montré le puits c'était avec une vidéo avec un oiseau) il saute dans le puits et il est bien précisé que ce n'est pas un territoire à l'intérieur de la terre ni obscur mais un territoire de lumière. Il fait la connaissance de son père et découvre le moko.
J'ai essayé pendant deux mois de rencontrer des artistes maoris et ça a été une grande partie de cache-cache.
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Ce qui s'est passé je ne l'ai pas su au départ. Je voulais travailler avec un artiste maori sur les tatouages. Tous les occidentaux m'ont dit que je n'y arriverai pas parce que le moko est sacré, réservé aux chefs. J'ai compris que ce serait très difficile. Toute cette forme d'art a été interdite pendant très longtemps.
Ce n'était pas possible d'avoir un rendez-vous avec des artistes de Toi Maori. Je leur ai un peu forcé la main parce que j'ai repéré que l'un d'eux faisait un vernissage et j'y suis allé. Il a été très fâché de me voir, très agressif dès le départ, il a changé de figure lorsque je lui ai montré ma photo "Dans la tête pas de frontière", il a basculé et il m'a parlé. Ils continuent à fonctionner en tribu, ils se réunissent et ils s'étaient donné le mot pour ne pas me rencontrer Le moko est une culture en pleine renaissance et elle devient la proie des publicistes et de certains artistes.
Il a fait passer le mot et tout s'est ouvert. J'ai eu un rendez-vous avec un responsable de ToïMaori. Il m'a reçu de façon très protocolaire, m'a serré la main et m'a dit qu'il soutiendrait mon travail. Il a longtemps parlé. Il a commencé à me dire tous les traits de mes ancêtres. Là j'ai pensé que c'était gagné. "
- Tu continues donc avec toujours la même obstination ce travail commencé ily a maintenant plus de quinze ans. Et en somme tu n'hésiterais pas à paraphraser Deleuze et prétendre que tu produis le sens qui cherché "dans l'homme et son abîme, profondeur nouvellement creusée, souterrain " se révélerait effet de surface ".
- Oui. T'as tout compris.
propos recueillis par J.F. M
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