1 - Gérard Giachi

 


 

La présence de Marie-Jo Lafontaine au Musée Cantini poursuit la tradition de collaboration entre l'Ecole d'Art de Luminy et les Musées de Marseille. Née à Anvers, Marie-Jo Lafontaine est actuellement en résidence à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon. Elle présente ici cinq grandes sculptures rassemblées sous le titre Les gardiens du jeu et l'un de ses plus importants dispositifs vidéo, A las cinco de la Tarde. Au cours de l'hiver 1985-1986, Marie-Jo Lafontaine intervient à l'Ecole d'Art ; elle choisit d'associer ici Gérard Giachi, étudiant au département d'art, qui présente une pièce vidéo intitulée Impression des îles Chatham. Double collaboration qui inaugure la présence de l'art vidéo dans le nouvel espace du Musée Cantini et qui manifeste les enjeux abordés aujourd'hui par la Direction des Musées de Marseille et l'Ecole d'Art et d'Architecture de Luminy.

 

 

Gérard GIACHI - IMPRESSIONS DES ILES CHATHAM

La séance d’ouverture avait pris fin, sous les ordres de TALOU VI le quatrième Gala des Fantasmagories pouvait maintenant commencer.
Le physicien-aéronaute Gérard ROBERTSON, serré dans une étroite redingote, faisait une entrée impressionnante en poussant lui-même une immense machine, posée sur plate-forme d’acajou munie de quatre roues basses et pareilles.
Le soin apporté dans la fabrication du véhicule, très luxueux dans sa grande complexité prouvait la valeur du fardeau fragile, auquel il s’adaptait avec précision.
Le roulement était moelleux et parfait, grâce à d’épais pneumatiques garnissant les roues silencieuses, dont les fins rayons métalliques semblaient nickelés à neuf.
ROBERTSON fit halte au milieu de la place, en laissant à chacun le loisir d’examiner l’insolite appareil.
L’assistance pouvait alors apercevoir sur son côté droit, parmi un nombre incalculable de rouages et cadrans de contrôles, une cage de verre emprisonnant un agressif oiseau de proie au brillant plumage noir.
Le physicien ordonna alors à quatre ouvriers maçons la construction rapide d’un parapet circulaire de briques rouges.
Le travail terminé, sept cages de verre identiques à celle enfermant le volateur, furent disposées à l’intérieur de l’ouvrage, doté maintenant de l’apparence d’un puits.
Le savant relia lui-même ces cages à l’étrange machine, s’aidant de câbles moulés dans un métal de son invention, qu’il avait baptisé l’Impulsium.
Il fit ensuite recouvrir l’orifice du puits factice, d’une plaque de verre parfaitement transparente et sans reflet, qui, posée sur la margelle semblait inexistante.
Pendant que tous les regards scrutaient le curieux dispositif Robertson donnait avec précision, une foule d’explications savantes et claires.
Nous sûmes que l’instrument nommé par lui Le Fantamascope, allait bientôt fonctionner devant nous, grâce à un système électronique dissimulé dans ses flancs.
Avec un fort accent de Marseille l’habile inventeur articula cette courte apostrophe : « La fantasmagorie du vide, le fantôme de l’absence de fantôme TRADUTTORE - TRADITORE. »
D’un mouvement rapide, comme pour réparer un oubli véniel, il abaissa ainsi un marchepied de calèche, certaine pédale mobile, qui précédemment dissimulée, était destinée à effrayer à dessein l’oiseau, qui déployait aussitôt ses ailes gigantesques.
Doté d’une résistance à toute épreuve, le cristal utilisé pour les parois de la cage était merveilleusement fin, et le son se trouvait à peine voilé par cet obstacle délicat et vibrant.
Un frisson de curiosité ranima l’assistance.
Instantanément, le puits se creusa d’une profondeur illimité, et une infinité de volatiles identiques à celui prisonnier peuplaient maintenant le vide virtuel créé par l’impossible installation.
Le scientifique méridional nous confia alors certains détails : que la magique apparition du vide traversait la terre par son centre pour finir précisément à de petites îles Néo-Zélandaise, les Iles Chatham.
A l’opposé du globe, un ami confrère l’astronome NOSTREBOR, pratiquait à ce moment précis la semblable expérience, perçant en cette occasion l’autre extrémité de la planète.
Nous apprîmes ensuite que chaque cristal du verre, enfermait de microscopiques éléments chimiques, doués par l’inventeur d’une prodigieuse sensibilité, qui, excités par les vibrations émises par l’oiseau, engendraient directement la représentation parfaite du volatile à l’intérieur des sept cages reliées au Fantamascope par les câbles d’Impulsium.
ROBERTSON gardait jalousement certain secret, qui touchait la composition du verre recouvrant le puits, qu’il appelait Miroir Transvisible et la forme de maintes composantes électroniques, qui donnaient au précieux mécanisme la fabuleuse qualité de produire sans fin l’illusion du vide.
La vision dura encore quelques minutes, et fut suivie de la libération de l’oiseau qui rapetissait à nos yeux.
Pendant que Gérard ROBERTSON tournait pour s’éloigner, les conversations éclataient de toutes parts, prenant le Miroir Transvisible pour unique sujet, et commentant les merveilleux résultats obtenus par l’emploi du cristal nouveau, dont le Fantamascope venait de montrer si clairement les stupéfiantes possibilités.

 

 

2 - Gérard Giachi

 









 

 

 

 


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