AVANT-PROPOS

"Je suis peintre, en fait; les pièces que je préfère de moi sont les 14 pièces piégées, mais bien sûr, il m'est difficile de les montrer, puisque le marché de distribution pour ce genre de théâtre n'existe pas, même pour mes pièces "normales" c'est déjà limite, alors... Les pièces piégées sont des formes matricielles, qui durent entre 30 secondes et 12 minutes, et on ne peut pas convoquer un public pour une durée si courte. Elles ne demandent pas forcément des comédiens - la sculpture, la vidéo, suffisent. Je travaille sur ces pièces avec Horatio Goni, Gérard Giachi , des jeunes plasticiens qui savent de quoi je parle... peut-être on pourra bientôt montrer ce travail. Je fais aussi beaucoup de photos. Éric Didym est en train de préparer lui aussi des travaux-photo à partir de mes textes. La préoccupation essentielle étant : si quelque chose peut être dit en l'50", à quoi bon en faire 150 pages ? La plupart des pièces théâtrales peuvent être réduites, au fond, à deux matrices dites "à renversement", l'exemple le plus pur étant "Les bonnes" de Genet, parce que là il y a une superposition, ou plutôt un perpetuum mobile d'une seule forme matricielle. En gros :

Premier acte A : Je suis tout pour toi.
B : Je ne suis rien pour toi.
Deuxième acte B : Maintenant tu n'es rien pour moi.
A : Maintenant je ne suis rien pour toi.

ça serait la matrice "relations humaines" ; il y a une variante, la matrice sociale, historique ou politiqu

Acte 1 A : Je suis le maître.
B : Je subis ton pouvoir.
Acte 2 B : Maintenant c'est toi qui subiras mon pouvoir.
A : (baisse la tête).

Tu vois ? Bon, comme cette matrice - et quatre autres - ont été déjà suffisamment explorées, avec des chefs-d'œuvre , ma préoccupation est d'inventer des nouvelles matrices, mais pas forcément comme un écrivain, mais comme un peintre ou un photographe qui donnerait à la réalité un flou poétique."

Propos recueillis par CHRISTINE FRIEDEL.- Paris, 1990

 


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